Le vieux Bordeaux ou le village du Gros-Sault

 

Le boulevard Gouin regorge de belles et anciennes maisons. Dans les lignes qui suivent, je tenterais de vous faire découvrir l’ancien village de Bordeaux.

 

Il se situe entre la voie ferrée et le boulevard l’Acadie. On retrouve dans ce secteur une forte densité d’édifices patrimoniaux d’architecture variée : résidences bourgeoises, maisons de ville des premières décennies du XXe siècle, quelques maisons plus anciennes de type rural.

 

L’histoire de Bordeaux débute quand on octroya une dizaine de terres de 1722 à 1730. On désigna jusqu’au début du 20e siècle cette partie du Sault-au-Récollet par l’appellation « Haut du Sault ». L’arrivée du chemin de fer, en 1876, donne l’essor nécessaire au développement d’un village.

Jusqu’à la fin du 19e siècle, les habitants du village de Bordeaux devaient se rendre à l’église du Sault-au-Récollet pour la messe. Tout changea en avril 1894 quand l’Institut de Saint-Viateur se cherchait un endroit pour y établir un juvénat. Les représentants de l’Institut rendirent visite au curé de la Visitation, Charles Beaubien. En plus d’informer le curé des ambitions de l’Institut, on lui expliqua qu’on pourrait desservir les habitants de Bordeaux et de Cartierville. Étant éloignés de leurs églises respectives, ils étaient exposés à négliger la pratique de leur foi. Le projet reçu l’appui inconditionnel du curé de la Visitation et même des paroissiens : un dénommé Gohier fît un don d’une vingtaine de terrains pour la construction du futur juvénat.

 

La première messe eut lieu le 3 octobre 1895 dans la chapelle temporaire. La desserte venait d’être fondée. Le 25 octobre 1895, Mgr Édouard Fabre signa un décret autorisant de dire la messe dans la chapelle du collège qui était bientôt prête à recevoir ces fidèles. Cependant, le registre des baptêmes, des mariages et des sépultures resterait à la paroisse mère du Sault-au-Récollet. Peu à peu, plusieurs croient que la paroisse peut voler de ses propres ailes : on suggère que l’on se détache de la paroisse mère du Sault-au-Récollet. Ce n’est qu’après de longues démarches que le décret d’érection de la paroisse Saint-Joseph de Bordeaux arrive le 23 janvier 1912.

 

La fabrique de la nouvelle paroisse emprunte 40 000$ pour la construction d’une église. L’ouvrage débute à la fin septembre 1912 et sera terminé le jour de Noël de la même année. Pour cette occasion, il était prévu qu’une procession se fasse de la chapelle jusqu’à la nouvelle église. Hélas, la pluie et la neige forcèrent l’annulation de cette procession. On planifia à nouveau cette procession lors de la fête Dieu du 27 avril 1913. Hélas, la pluie et la neige… L’église actuelle remonte à 1956.

 

En 1891, on acheta deux terres dans Bordeaux pour y construire une nouvelle prison afin de remplacer la vétuste Pied-du-Courant. La prison de Montréal, communément appelée prison de Bordeaux, a été construite de 1908 à 1912 et est une des seules prisons au Canada de type pennsylvanien. La nouvelle geôle allait prendre le nom de prison de Bordeaux au grand dam des habitants. À la prison de Bordeaux, le son du tocsin retentissait sept fois pour annoncer l'exécution d'un homme et dix fois pour annoncer l'exécution d'une femme. Au début du 20e siècle, le poste de curé de la paroisse de Saint-Joseph de Bordeaux comprenait aussi la charge d’aumônier à la prison de Bordeaux. Pour s’assurer du transport des détenus, Québec ordonna la construction d’un véhicule blindé cellulaire.

   

La ligne de tramway menant à la gare Ahuntsic est prolongée jusqu’à Bordeaux vers 1920. Au début, on débarquait les détenus à la petite gare Ahuntsic de la rue Millen près de Gouin. Un omnibus assurait ensuite le transport.

  

La croix à l’angle Gouin et Bois-de-Boulogne est une initiative provenant des résidants longeant le chemin public du Sault-au-Récollet jusqu’à la paroisse de Saint-Laurent (Cartierville). On prend la décision de l’ériger en 1873. L’année suivante (1874), l’ouvrage est fait. Avec le temps, la croix devint en mauvaise état. Elle fut restaurée en 1945. Pour l’occasion, on déposa entre deux socles une copie du contrat de 1873, quelques pièces de monnaie et quelques exemplaires de journaux.

     

 

Chaque village a ses histoires, il en est une qui retint l’attention : celle d’Arsène Pigeon, tailleur de pierre et de sa demeure le 1420 Gouin Ouest. Pigeon était un homme très particulier pour l’époque : en plus d’avoir marié une protestante, il grava ses initiales dans la pierre de sa porte d’entrée. Puis il grava les formes des mains et des pieds de sa femme pour personnaliser sa demeure. Ailleurs, on retrouve une petite empreinte de pieds, on pouvait croire qu’elle était située non loin de la fenêtre de la chambre de leur fille. Les gens croyaient qu’il s’agissait de signes cabalistiques ou encore maléfiques. Un jour, il fut pris à parti et rudoyé. Pour réponse, il grava sur l’une des pierres une figure humaine tirant la langue faisant une grimace!

          

 

À la fin du 18e siècle, la population augmentant, le besoin d’autres moulins devenait nécessaire. Un contrat fut fait entre les sulpiciens et Joseph Barbeau, farinier et entrepreneur de Lachine, lui confiant la construction du futur moulin du Gros-Sault. Construit en 1798, il était situé près de l’ancienne gare de Bordeaux du Canadien Pacifique. Depuis son entrée en fonction, le moulin du Gros-Sault fit perdre la place très importante qu’occupaient les moulins du Sault-au-Récollet. Ce moulin sera bien prospère en fournissant de la farine à plus d’un boulanger de Montréal. Le moulin fut vendu le 19 juillet 1837 à Charles Perry. Ce nouveau propriétaire laissera son nom à l’île où loge le moulin. Fin du 19e siècle, plusieurs hommes d’affaires songeaient à lancer une grande entreprise consistant à créer un bassin d’eau capable d’approvisionner en électricité plusieurs municipalités de Montréal. On considérait le lieu près du pont de pour y acheter l’île et le moulin. C’est en 1892 que la démolition du moulin du Gros-Sault débuta.  Après avoir enfoui près d’un quart de million de dollars la « Montreal Water and Power Company » vu ses affaires tirer de la patte et mis fin à son projet en 1893.

             

Sur l’île Perry, on peut y remarquer un cadre de ciment qui était en fait un point d’encrage pour un petit pont suspendu. L’île était très prisée pour les activités d’été tel que la baignade.

                  

 

La municipalité de la ville de Bordeaux n’aura pas une longue existence : elle est créée le 21 mars 1898. Le 4 juin 1910, la province sanctionne la loi prévoyant l'annexion de la ville de Bordeaux à Montréal.

En 1923 La population de la paroisse est de 1 337 âmes.

 

 

Remerciements : Ginette Vallée et Robert Laurin

 

Bibliographie :

- « Évaluation du patrimoine urbain – Arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville »; Service de la mise en valeur du territoire et du patrimoine, Direction du développement urbain, Division du patrimoine et de la toponymie; 2005.

-  « Les origines de la prison de Bordeaux »; Pierre Landreville et Ghislaine Julien; 1976.

- « Cent ans de transport en commun motorisé », Robert Prévost.

-« Jubilée d’or de Saint-Joseph de Bordeaux – 1895 à 1945 » de Robert Prévost.

- « Mon tour de jardin »; de Robert Prévost.

- « Le moulin du Gros-Sault »; de Robert Prévost

- FONDS DE LA MUNICIPALITÉ DE LA VILLE DE BORDEAUX - P11; archives Ville de Montréal.